Photographe amateur d’accidents numériques et de questionnements sur la montagne, Alexis Bérar expose actuellement dans deux lieux aussi confidentiels que précieux : les galeries Showcase et Ex-Nihilo.
/ Par Benjamin Bardinet
Il y a des artistes dont on apprécie de suivre l’évolution du travail un peu comme on suivrait les pérégrinations d’un animal sauvage. Et ça tombe bien puisqu’Alexis Bérar, figure locale de la photographie, ne cesse d’arpenter les montagnes à la recherche de signes, de traces, parfois infimes, qui racontent en filigrane les manières d’habiter et d’exploiter ce territoire avec lequel il entretient un rapport singulier. C’est lors de longues saisons en estive en tant qu’aide-bergère que le photographe a commencé à pratiquer et à développer une approche biaisée, déjouant les attentes et esquivant les stéréotypes liés à l’imagerie montagnarde. Amplifiant les défaillances des capteurs et les effets involontaires du traitement infrarouge, il mitonne une tambouille numérique qu’on n’a pas très bien saisie et qui donne lieu à des images précisément insaisissables : les arbres virent fuchsia et la surface des montagnes semble adhérer à la paroi de la photographie (ou l’inverse). L’étrangeté et le bizarre, le déstabilisant et le malaisant, tout ça nous plaît bien.
Double exposition
Depuis fin mai, Alexis Bérar investit la galerie Showcase (une minuscule vitrine murale à l’angle de la place aux Herbes et de la place Claveyson) avec une micro-exposition évolutive dans laquelle les images laissent peu à peu la place à des objets collectés depuis 2020 dans le vallon du Fournel (Oisans). Le dialogue entre le minéral montagnard et le minéral urbain fonctionne à merveille : son œuvre photographique se fond dans la masse architecturale à la manière des animaux dont il guette les infimes traces de passage. Moins discrètes sont les traces laissées par l’homme pour produire et transporter de l’électricité sur ce même territoire montagnard, et c’est précisément le sujet de la seconde exposition intitulée Les Montagnes Électriques à découvrir à la galerie Ex-Nihilo.
Faire cohabiter dans une même image la présence fantomatique d’animaux et la défaillance de la haute technologie, les lignes électriques et le minéral millénaire, voilà tout le talent d’Alexis Bérar.
Photo ©Alexis Bérar