Depuis une vingtaine d’années, le collectif Petit Travers, basé dans la métropole lyonnaise mais essaimant partout en France et au-delà, est devenu la référence d’un jonglage contemporain aux accents poétiques où la performance et la virtuosité sont certes présentes, mais toujours enrichies par un regard artistique précis. Sa courte pièce Nuit (tout juste 45 minutes) en est une preuve humble et remarquable, en tournée depuis maintenant dix ans.
Sur la scène façon salon baroque avec bougies et portes pleines de promesses, trois hommes (Nicolas Mathis, Julien Clément et Rémi Darbois), tout de noir classieusement vêtus, habitent un troublant clair-obscur qui enveloppe jusqu’au public. Ils sont jongleurs et s’expriment donc à travers leurs balles blanches. À moins que ça ne soit ces dernières, vivantes, tels des animaux qui surgiraient de toutes parts, telle une nuée d’insectes fous, telles des bestioles dotées de leur propre personnalité, qui décident du spectacle… Aux artistes d’essayer de faire avec, voire de les dompter.
À partir de cet arc narratif, s’écrit un savoureux récit visuel imaginé avec la complicité de Yann Frisch, grand nom de la magie nouvelle qui a décuplé avec gourmandise les possibilités offertes par l’art du jonglage. En découle une réussite hypnotique portée par une musique pour quatuor à cordes à mettre devant tous les yeux, cette Nuit tout sauf effrayante étant accessible dès 6 ans. / AM