Actuellement présentée au musée Hébert, la série photographique que Jean-Pierre Angéi consacre aux réalisations textiles de Catherine Valentin perturbe le regard et suscite l’interrogation des visiteurs souvent séduits par ces images troublantes. À découvrir !
/ Par Benjamin Bardinet
Parmi les différents photographes de la petite (mais dynamique) scène grenobloise, Jean-Pierre Angéi est celui dont le travail semble peut-être le plus difficile à cerner de prime abord. En effet, il n’y a dans son approche aucune formule toute faite, aucune signature aisément identifiable, mais une véritable volonté de questionner la représentation photographique et ses effets propres. Noir et blanc, couleur, argentique, numérique, polaroid, Jean-Pierre Angéi ne s’interdit aucune technique et adopte celle qui lui semble la plus pertinente en fonction de ses sujets qui, eux aussi, sont très variés.
Alors qu’il réalisait tant bien que mal des portraits des personnels de l’hôpital de Voiron, l’artiste découvre le travail de la styliste Catherine Valentin. Confronté à la difficulté de photographier des gens dissimulant une part de leur personnalité derrière les tenues nécessaires à leur fonction, il lui vient l’idée de faire des portraits de vêtements sans personne dedans. Traiter les textiles comme des individus, faire émerger par la photographie leur singularité indépendamment du corps sur lequel ils sont habituellement portés, voilà le défi que se lance Jean-Pierre Angéi. Suspendu, chaque vêtement est photographié sur un fond réalisé à partir du textile dans lequel il a été taillé. Les motifs de l’arrière-plan semblent parfois avoir été imprimés à la surface même de la photographie, leur répétition hypnotise et trouble le regard qui ne sait plus très bien ce qu’il perçoit, d’autant plus que ces vêtements sont réalisés dans une grande diversité de textiles (lin, soie, taffetas…). Jouant avec les plis et les motifs, Angéi fait apparaître ces habits comme une seconde peau tantôt épaisse et robuste, parfois fragile et légère. Ainsi, bien que formellement assez éloigné de ce que l’on connaissait d’Angéi (des photographies en noir et blanc des pistes de ski), on comprend que, dans le fond, ce qui le traverse, c’est toujours une volonté de réaliser le portrait approfondi de la surface des choses.
Photo © Jean-Pierre Angéi