Festival

Festival des arts du récit : à bons contes

/ Par Aurélien Martinez et Doriane Rey

Histoire sonore

Dans Le Petit Frankenstein, on trouve un dispositif sonore intéressant, des conteurs, des musiciens et l’histoire d’un enfant pas comme les autres. Il a été créé de toutes pièces par ses parents en prise au manque de temps… Il a la peau grise, des mains et des jambes difformes… Il a été conçu par une imprimante 3D et son cerveau est habité par une IA. La compagnie Intermezzo nous propose de suivre sa découverte du monde. Du cimetière qui devient son lieu refuge à la rue où défilent les passants absorbés par leur téléphone jusqu’à sa rencontre avec Madame Porte, l’enseignante aux messages de tolérance.

Si les sujets traités sont larges – on nous parle de différence, de surconsommation, du rythme effréné de nos sociétés, de transhumanisme et d’environnement – la fiction sonore apporte une belle singularité au récit : les comédiens jouent devant nous leur partition théâtrale tandis que leurs voix résonnent à nos oreilles dans le casque fourni dès le début du spectacle. Voici une histoire contée qui décale et qui éveille l’esprit des plus jeunes sur les dérives de notre monde moderne.

Le Petit Frankenstein
Ven. 16 mai à 18h30
Espace 600
De 5€ à 13€

Enfant de cœur

« Je pleure parce que je veux mourir mais je veux vivre aussi. » Jeune enfant français parti voguer sur les mers avec des marins avant d’être abandonné en Australie par ses compagnons de voyage, Narcisse Pelletier vécut 17 ans dans une tribu aborigène sous le nom d’Amglo, jusqu’à son rapatriement brutal en France. C’est cette histoire véridique, ancrée au cœur de la seconde moitié du XIXe siècle, que le comédien et auteur Gérard Potier transmet avec un talent certain de conteur, tant dans le jeu que dans l’écriture, nourrie de recherches. Sur scène, il y a donc la vie du héros, captivante, incroyable, avec laquelle Gérard Potier tient le public en haleine ; et il y a aussi tout ce que charrie cette épopée autour du « sauvage blanc » : l’enfance sacrifiée, l’abandon, la vision ethnocentrée du monde… Passionnant.

Amglo ou la vie de Narcisse Pelletier
Mer. 21 mai à 20h30
La Faïencerie (La Tronche)
De 8€ à 13€

Langue forte

« Je suis une criminelle revenue sur le lieu du crime. » Sultan Ulutas Alopé, jeune femme turque émigrée en France, décide de se lancer dans l’apprentissage du kurde, la langue de son père interdite dans son pays d’origine – cette langue doit être dangereuse pour que des gens qui chantent avec finissent en prison, se dit-elle. De ce point de départ personnel, de ce rapport au père compliqué et violent, elle a fait un texte, La Langue de mon père, devenu seule-en-scène introspectif à la recherche d’une identité. Un spectacle digne, sensible et parfois dur (notamment les passages évoquant le rejet des enfants kurdes à l’école et le silence de ceux qui, comme l’héroïne, ne voulaient pas être découverts) pour que Sultan Ulutas Alopé (et le public avec elle) sache enfin qui elle est, elle qui assure avoir longtemps eu honte de ses origines. Un art du récit tourné vers le passé pour mieux éclairer le présent.

La Langue de mon père
Jeu. 22 mai à 20h
L’Odyssée (Eybens
)
De 5€ à 19€

Mais aussi…

Dix jours de festival dans de nombreuses salles partenaires de l’agglomération et quelques lieux plus atypiques, une quarantaine de propositions pour tous les âges, des grands noms des arts du récit comme des découvertes… La trente-huitième édition du Festival des Arts du récit reste fidèlement charpentée autour de ses fondamentaux. Au cœur d’une programmation foisonnante, outre les trois spectacles que nous avons pu voir en amont, d’autres nous donnent particulièrement envie. Celui d’ouverture par exemple : Venise de Fanny Chériaux, dans lequel cette dernière « chante, raconte, joue, incarne l’histoire d’un corps entre comédie musicale, one-woman-show, récit intime et concert pop ». Ou encore Euphrate de Nil Bosca, spectacle (dont on a entendu beaucoup de bien) sur la double culture (turque et normande) d’une lycéenne, et Chevaleresses de Nolwenn Le Doth, présenté par le festival comme « un coup de poing salvateur, une œuvre poétique et politique au service d’une libération de la parole des femmes toujours à conquérir ».


Prémol, c’est pour septembre

C’est donc officiel : le Centre des arts du récit s’installe au théâtre Prémol en septembre prochain. Une petite révolution pour l’association qui cherchait depuis longtemps un lieu afin d’accueillir des représentations et résidences d’artistes, « d’être au début et à la fin de la chaîne de création », précise Stéphène Jourdain. La directrice des Arts du récit peine cependant à se réjouir pleinement de cette nouvelle, car sa structure s’est retrouvée pendant des mois au cœur d’une intense polémique, la Ville de Grenoble ayant décidé en 2024 de retirer la gestion du théâtre à la MJC-théâtre Prémol. Une association qui gérait les lieux depuis 30 ans ! Dans ce contexte, Stéphène Jourdain veut rassurer : « Plus qu’un théâtre, ce sera une maison ouverte à tous. On a conscience que cela implique un véritable ancrage dans le quartier, dont on ne minore pas les difficultés. On porte un projet d’action culturelle avec les habitants et nous sommes en train de rencontrer tous les acteurs de Prémol, notamment la Maison des habitants, la Maison de l’enfance, le club de foot, le dojo, etc. » / HV

Photo ©Hubert Girard

FESTIVAL DES ARTS DU RéCIT

Du mercredi 14 mai au vendredi 23 mai

Divers lieux (Isère)

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