Le metteur en scène Jean Bellorini revisite le mythique « Cid »de Corneille dans une version resserrée et ludique. Du théâtre joyeusement populaire à découvrir à la MC2.
/ Par Aurélien Martinez
C’est l’histoire du Cid de Corneille, immense pièce du répertoire théâtral français (elle date de 1637), sans être tout à fait Le Cid. Disons qu’il s’agit plutôt d’un concentré de Cid. Ou d’une restructuration du Cid, façon cuisine moléculaire agréable à l’œil. Très dans l’époque.
Il y a certes toujours l’amour a priori impossible entre Chimène et Rodrigue, car entaché du sang du père de la première tué par le second. Il y a toujours la flamboyance du héros, « jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Et il y a toujours cette succession de tirades devenues si cultes qu’on pourrait en faire des karaokés, du « À vaincre sans péril on triomphe sans gloire » au « Va, je ne te hais point » en passant par la fameuse « vieillesse ennemie » ou encore ce « Nous partîmes cinq cents… » plein de promesses.
SOS de terriens en détresse
Conscient du totem qu’il a entre les mains, le metteur en scène Jean Bellorini l’a abordé d’une manière originale en resserrant l’intrigue autour de quatre personnages et en décomplexifiant les enjeux afin de le transmettre à un public le plus large possible – la création a eu lieu l’an passé en plein air, aux Fêtes nocturnes de Grignan. Non pas que la langue de Corneille ne soit plus entendable aujourd’hui (même s’il y a « dans cette écriture une vieillerie, une désuétude qui touche parfois au ridicule », écrit la dramaturge Sidonie Fauquenoi dans l’avant-propos de ce nouveau texte) ; mais parce que Bellorini a pris le parti de s’amuser avec le monument tout en en conservant les fondations – les magnifiques alexandrins d’un des plus grands dramaturges français, agrémentés ici de quelques références contemporaines bien senties (dont Starmania, toujours et encore).
Un parti pris légèrement décalé matérialisé avec panache par la scénographie faite d’une structure gonflable sur laquelle les personnages – principalement les différents amoureux – s’ébattent tels de grands enfants bondissants. À ce petit jeu, François Deblock est délicieusement malicieux dans le rôle de Rodrigue. Accompagnés de deux musiciens au plateau, les uns et les autres vivent alors le récit dans leur chair et s’en donnent à cœur joie.
Scène après scène, Jean Bellorini met ainsi en place un spectacle populaire façon théâtre de tréteaux qui ne se prend pas vraiment au sérieux tout en se reposant sur un art on ne peut plus sérieux. Une approche, qui n’est pas à opposer à une mise en scène respectueuse du texte dans son entièreté, qui offre tout simplement une nouvelle manière de visiter ce chef-d’œuvre tant étudié à l’école. D’ailleurs, Jean Bellorini ne parle pas d’adaptation pour qualifier son spectacle, mais de « variation », comme en musique. Et si, pour filer la métaphore musicale, il avait tout simplement livré une reprise pop du grand tube de Corneille ?
Photo © Christophe Raynaud de Lage