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Festival

Miki et Ben plg dans le jardin suspendu du Cabaret Frappé

/ Par Hugo Verit

Dernière année pour Retour de Scène, l’association en charge de la programmation du Cabaret Frappé depuis maintenant cinq ans – mission confiée par la Ville de Grenoble. Enfin, pas forcément, puisque l’asso vient de repostuler pour trois nouvelles éditions (réponse d’ici début juillet). L’occasion de souligner la qualité du travail mené par Damien Arnaud, avec des Cabaret toujours bien tissés, où l’on a chaque fois pu découvrir quelques artistes passionnants, au sein d’une prog’ axée sur l’émergence sans tête d’affiche écrasante. Et cette édition 2025 s’inscrit tout à fait dans cette veine.

Phénomènes

Commençons avec le coup de maître de ce Cabaret 2025 : la venue de la chanteuse Miki, filant comme une étoile à travers le ciel pop depuis la sortie de son clip concept hypnotisant Échec et mat, il y a seulement quelques mois. Avec un Buffalo Grill pour décor, la jeune Franco-Coréenne s’y filme en mode DIY, son tél posé sur un capot d’automobile, et débite en parlé-chanté quelques saillies réalistes sur une prod’ assez irréprochable. Un vrai chef-d’œuvre de zoomer. S’en suivirent un emballement médiatique et, surtout, un succès public fulgurant qui rappelle quelque peu le phénomène Clairo révélée soudainement, en 2017, par son clip Pretty Girl tourné devant une simple webcam. Deux tubes inattendus, deux artistes immédiatement adoubées, deux femmes aussi… Miki, comme Clairo en son temps, a dû très vite faire face à une horde de haters sortis de leur bois sombre et sauvage : Internet. Voilà qu’on l’accuse d’être une « Industry plant », un produit commercial monté de toutes pièces (avec la complicité de Buffalo Grill), une star en carton… Bref, de ne pas mériter ses honneurs. Un complotisme jaloux bien trop facile à démonter : il suffit d’écouter l’EP Graou, paru en mars dernier, pour se convaincre de sa légitimité. Inventif, avant-gardiste, intelligent, ce disque affirme une identité résolument singulière, à suivre de très près donc.

Autre phénomène à l’affiche du festival, le rappeur Ben plg, passé par Nouvelle École, qui a récemment remis Moby au goût du jour en reprenant son Natural Blues (à moins que ce ne soit un nouvel hommage à Vera Hall, elle-même samplée par Moby dans son morceau magnifique). Pas mal, pas mal. On est moins séduits en revanche par la dernière étoile montante de cette édition, Claude et ses épaisses binocles, qu’il nous faudrait peut-être chausser afin de mieux distinguer les contours et la direction d’une œuvre, pour le moment, un peu trop lisse…

L’enracinement

Mais ce qui ressort avant tout de ce Cabaret made in RDS, comme un fil rouge bien tendu entre toutes ces soirées d’été qui s’annoncent, c’est l’ouverture aux musiques du monde, aux origines et identités multiples, avec des artistes revendiquant un « enracinement », pour reprendre le concept de la philosophe Simone Weil : « Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines », écrit-elle, et il n’y a rien de plus grave que « la maladie du déracinement ». Enraciné de multiples manières, l’Orchestra Baobab diffuse ainsi la culture sénégalaise, dans toute sa complexité, à travers une musique empruntant autant à l’héritage des colonisés (le traditionnel griot) qu’à celui des colons (la pop occidentale). Mariage similaire pour Labess, un Algérien qui, en déménageant au Québec à l’âge de 18 ans, s’installait ainsi sur une terre elle-même colonisée par ses propres colons (les Français, envahisseurs tout aussi à l’aise au cœur du blizzard nord-américain que dans le désert algérien) ! En résulte une musique protéiforme, interprétée avec beaucoup de ferveur, et dans plusieurs langues, par celui qui signait un album intitulé Identité en 2012. On voyagera également avec la pop flamenco espagnole de Queralt Lahoz, la soul méditerranéenne de Myra, la rumba congolaise de Kolinga, le sousaphone caribéen de Delgres, et surtout la pop world acid de Def Mama Def, autre enchantement de cette édition.

Le cru grenoblois

Comme d’habitude, le Cabaret accueille aussi tout plein de figures de la scène locale, avec cette année un cru particulièrement savoureux. Citons d’abord Sumac Dub qui a sorti, il y a plusieurs mois, un album électronique (bien) inspiré par les étoiles et quelques souvenirs de famille, l’excellente Lwanbe dont on a hâte de découvrir la version trio en live, et l’élégante Maria Luma qu’on a toujours vue sur de toutes petites scènes (il était temps que ça change !).

Photo ©Frankie & Nikki

CABARET FRAPPé

Du mercredi 16 juillet au dimanche 20 juillet

Jardin de ville

Gratuit

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