Les artistes Aurélie Ferruel et Florentine Guédon investissent le Centre d’art Bastille avec des œuvres frustes mais généreuses, traversées par une énergie vitale salvatrice. Ça ne rigole pas mais c’est vachement beau !
/ Par Benjamin Bardinet
Amitié, deuil, isolement, folie et tabou : le titre de la nouvelle exposition du Centre d’art Bastille s’annonce comme tout un programme, pas forcément folichon certes, mais à l’image de la vie, de ses affres et de ses difficultés… Pour ce projet, les artistes Aurélie Ferruel et Florentine Guédon (amitié ?) s’emparent des contraintes inhérentes aux espaces du Cab (humidité, luminosité, verticalité) et en jouent à merveille – un peu comme on pourrait jouer précisément des aléas de la vie. Le duo d’artistes tire parti de la circulation particulière qu’impose le lieu et imagine une série d’installations sculpturales qui se dévoilent au fur et à mesure de notre cheminement dans ces espaces qui ont la particularité de se déployer sur trois niveaux et d’offrir ponctuellement des vues plongeantes sur le niveau inférieur. Ainsi, à la descente comme à la remontée du parcours, chaque nouveau point de vue révèle à nos yeux une nouvelle facette de l’œuvre tandis que nos oreilles perçoivent en continu le bruit de l’écoulement d’une rivière – comme l’amplification sonore de la présence d’humidité qui suinte constamment des murs du site.
Réalisées avec des moyens modestes et un bilan carbone exemplaire, ces sculptures faites de bois, de boue et de paille astucieusement agglomérée, ouvrent un imaginaire symbolique ancré dans la ruralité, teinté de surréalisme et chargé d’une forme de gravité qui fait écho à la présence de témoignages sonores diffusés par intermittence dans les recoins de l’exposition. C’est dans l’intimité de ces témoignages discrètement délivrés que se révèle l’origine du titre de l’exposition. Il y est donc question de folie, d’isolement, de deuil et plus particulièrement de deuil périnatal, un sujet souvent éminemment tabou. Ces sculptures rudimentaires mais puissantes apparaissent alors comme des métaphores des états psychiques évoqués et nous rappellent que, parfois, la création permet de transcender les malheurs qui nous accablent (quand ce n’est pas l’amitié ?).
Photo ©Christophe Levet