Peintre brésilien de la seconde moitié du XXe siècle, José Antônio da Silva est une figure singulière dont le parcours interroge le rapport qu’entretiennent les élites culturelles avec les expressions artistiques spontanées, déconnectées des enjeux du monde de l’art mondialisé.
/ Par Benjamin Bardinet
Originaire d’une région agricole du nord-ouest de l’état de São Paulo, José Antônio da Silva a appris la peinture en autodidacte tout en continuant de travailler aux champs. Repéré par le jury d’un concours auquel il participe en 1948, il commence à exposer en galeries et finit par accéder à une notoriété nationale grâce à sa participation à la première Biennale de São Paulo en 1951. Il apparaît alors, aux yeux d’une certaine intelligentsia, comme le représentant d’une expression artistique proprement brésilienne totalement émancipée des références modernes européennes qui, au sortir de la guerre, semblaient à bout de souffle. Cependant, en 1957, le contexte artistique international a changé et les modestes peintures un peu frustes de José Antônio da Silva sont refusées par le jury de la Biennale. Un épisode traumatique auquel se réfère souvent le peintre dont les chevilles avaient entre-temps quelque peu enflé. On découvre en effet en introduction de l’exposition plusieurs autoportraits où il se représente bâillonné ainsi qu’un tableau figurant le jury de la Biennale pendu à une potence. Des peintures qui témoignent d’un certain ego et d’une rancœur qui ne le quittera jamais.
Mépris de classe
Au-delà de ce parcours, qui est celui d’un transfuge avorté, l’histoire de Da Silva raconte le décalage et l’incompréhension entre l’élite culturelle citadine mondialisée et les populations rurales en proie à des réalités et un quotidien fait d’emmerdes et de rituels religieux, plus que de paillettes et de réussite sociale. Da Silva dépeint précisément ce quotidien : la transformation des paysages agricoles, la misère, les travaux agraires… On sent dans ses peintures une urgence à faire exister ces représentations, parce qu’elles sont méconnues voire méprisées des élites. Bref, tout ça donne lieu à quelques tableaux dont l’authentique naïveté peut charmer et incite à une réflexion sur le rapport entre villes et campagnes, mondialisation et régionalisme, élites décisionnaires et classes populaires laborieuses… Des sujets largement d’actualité !
Photo ©José Antônio da Silva, Battre le coton, 1975