Le mot légende est souvent utilisé à tire-larigot, qu’importe que ce soit parfois exagéré, parfois injustifié. Mais pour Bonaventure Gacon, il s’impose parfaitement. Sous le patronyme du Boudu, du nom de ce clochard campé par Michel Simon dans le film Boudu sauvé des eaux (1932) de Jean Renoir, l’homme est ainsi une véritable légende du clown… à sa manière. Dans son solo Par le Boudu, il apparaît à la marge de la société, comme perdu, pas très avenant, mal fagoté, la démarche peu assurée, sans doute ivre, presque ogre… Mais sa présence magnétique, même sur des patins à roulettes, le replace d’emblée au centre de son monde, voire du monde.
Clown à part
« Moi, j’suis méchant… J’suis méchant moi ! » Si son nez rouge, son visage blanc et son maquillage le rattachent à l’univers du spectacle, c’est un être loin de l’imaginaire du clown pour enfants que Bonaventure Gacon porte avec succès depuis ses débuts au Centre national des arts du cirque à la fin des années 1990. Son clown est celui du pas de côté, celui qui soliloque avec le malaise, et celui qui, derrière sa rugosité et sa monstruosité assumée (il est tout de même question de petites filles mangées), confronte, les yeux dans les yeux, notre humanité aussi déglinguée que sa table.
Bonaventure Gacon est un artiste à part, que ce soit en solo depuis 24 ans ou avec d’autres – le Cirque Trottola qu’il a cofondé, le metteur en scène François Cervantes, le réalisateur Yann Le Quellec dans le film de 2017 Cornélius, le meunier hurlant… Et un interprète qui manie l’art du clown à merveille, comme le prouve ce spectacle inépuisable accessible dès 12 ans. Légendaire, vraiment. / AM
Photo ©Denis Grégoire