Signés Loustal, les nouveaux panneaux touristiques des autoroutes du coin sont le fruit d’une commande singulière que nous fait découvrir l’exposition à la fondation Glénat. Une belle occasion d’apprécier les sites touristiques régionaux sous le regard poétique et le trait raffiné de Loustal.
/ Par Benjamin Bardinet
Auteur de bande dessinée repéré à l’aube des années 1980 dans les pages des mythiques revues Métal Hurlant et (À Suivre), Loustal est également un illustrateur hors pair qui aime jouer des contraintes d’un commanditaire – on lui doit de nombreuses illustrations pour l’édition ainsi que quelques magnifiques affiches de festivals. C’est d’ailleurs très probablement ce goût pour la contrainte qui l’a amené à collaborer avec l’APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône) en vue de la réalisation des illustrations de panneaux d’autoroute des départements de l’Isère, de la Drôme et de la Savoie. Ces panneaux, qui ont pour vocation de renvoyer aux grands sites touristiques et culturels, imposent en effet de nombreuses contraintes liées à la situation particulière de leur implantation. Nécessairement vertical, le format n’est a priori pas franchement idéal pour des images qui vantent souvent la beauté des paysages (que la tradition picturale occidentale a plutôt l’habitude de traiter à l’horizontal…). Un écueil dont Loustal se départ avec brio, aidé par la présence prépondérante des montagnes dans les alentours. La seconde contrainte majeure est celle du spectre chromatique qui exclut les couleurs primaires (bleu, jaune, rouge) au profit de variations ocre-caramel dont Loustal joue à merveille des subtilités. Enfin, ultime obligation, et pas des moindres : ces panneaux doivent être lisibles à 120 km/h sans pour autant détourner l’attention des conducteurs. Et pour cela, le style de Loustal, qui s’inscrit dans la tradition de la ligne claire, remplit son rôle à merveille : le trait souple et épais de son dessin suit le contour de ses sujets avec délicatesse et les rend immédiatement lisibles.
Le bain et les fusains
L’exposition dévoile de nombreux croquis préparatoires qui permettent d’évaluer les modifications, entre les esquisses et la réalisation finale. On s’amusera à constater que les bains d’Allevard donnent lieu à trois esquisses très différentes figurant une baigneuse… un sujet féminin qui l’a visiblement inspiré… À l’inverse, pour certains panneaux, la commande était parfois si stricte que la marge de manœuvre de Loustal était quasi inexistante. C’est le cas du panneau relatif au lac de Paladru dans lequel figurent en ordre d’apparition dans le plan : la barque pièce maîtresse du musée, les vestiges des habitats sur pilotis et une embarcation à voile censée faire la promotion des activités nautiques. Amusant d’ailleurs de comparer ce panneau avec le dessin issu de la série de fusains que Loustal a librement réalisée en s’inspirant des paysages de la région. Celui relatif au lac de Paladru évacue toute locomotion nautique pour se focaliser sur les pilotis qui surgissent de manière fantomatique dans la brume du lac. Loustal retrouve alors une totale liberté et réalise une composition teintée de mystère largement évocatrice.
Photo © Loustal