Tout à la fois rétrospective de son travail et dialogue stimulant avec le parcours permanent du Musée de Grenoble, l’exposition de Guillaume Bresson vient gentiment parasiter les collections pour notre plus grand plaisir !
/ Par Benjamin Bardinet
Faire dialoguer la création contemporaine avec l’art classique, sortir de la chronologie pour faire entrer les analogies ! Voilà une proposition qui ne pouvait que nous enchanter ! Bon, évidemment en invitant Guillaume Bresson (artiste dont le travail se réfère constamment à la peinture classique) le Musée de Grenoble s’assure de ne pas trop heurter certains visiteurs peu enclins à voir se mélanger les torchons et les serviettes, mais ne soyons pas rabat-joie, c’est plutôt stimulant ! Conçue en deux grandes parties, l’exposition se déroule à la fois du côté du parcours permanent où les toiles de Guillaume Bresson dialoguent avec les œuvres de la collection du musée et dans l’allée centrale où sont présentés de grands formats figurant des scènes de violence urbaine théâtralisées qui ont fait son succès.
Côté parcours permanent donc, ça démarre avec une touche presque burlesque : à proximité d’un magnifique tableau religieux de Pérugin, Guillaume Bresson expose une peinture dans laquelle deux runners équipés de capes de pluie discutent au premier plan d’un chantier immobilier sans âme. Le ton est donné, le dialogue est ouvert : dans l’un et l’autre de ces tableaux se rejoue le rapport aux textiles, au paysage et à l’architecture. De la figuration religieuse renaissante à la trivialité d’un monde contemporain sans spiritualité, il n’y a qu’un pas…
Contrepoints
Ainsi, le visiteur chemine dans les collections et découvre, disséminées, les œuvres parfois discrètes de Bresson : ses personnages en pleine chute font écho aux compositions en contre-plongée tout en élévation de Vouet et Le Sueur, deux scènes de repas indigents sont présentées en contrepoint à l’émerveillement des témoins d’Emmaüs de Matthias Stomer, tandis que, plus loin, le portrait de l’activiste LGBT Adam Eli côtoie celui d’aristocrates du XVIIIe siècle. Les œuvres de Bresson viennent ainsi chahuter ces collections remarquables qu’on a d’autant plus de plaisir à redécouvrir à l’aune de ces rapprochements pertinents qui nous mènent jusqu’aux minimalistes américains dont on pourrait penser qu’ils sont à mille lieux de son travail.
La seconde partie du parcours se compose quant à elle de différentes scènes de rixes urbaines exposées dans l’allée centrale du musée. Ces peintures de grand format interrogent sur la manière dont certains milieux sociaux paupérisés sont traversés par une violence qui n’est que le reflet de celle qu’ils subissent, mais surtout comment la représentation picturale de la violence perturbe dès lors qu’elle n’est pas légitimée par le prétexte mythologique ou la peinture d’histoire – car c’est bien connu, seuls les vainqueurs et les dominants ont le droit d’être violents.
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Photo © Guillaume Bresson