/ Par Hugo Verit
Le 17 avril, la Maison de l’image organise une journée de conférences et débats dédiée aux pratiques informationnelles des jeunes générations. L’occasion pour nous d’échanger avec ses organisatrices autour d’un sujet devenu crucial : le rapport entre médias et citoyenneté.
Commençons par un petit rappel à nos lecteurs : qu’est-ce que la Maison de l’image et quel est son rôle ?
Laetitia Boulle – Pour répondre à cette question, il faut faire un point d’histoire. Dans les années 70, le maire de Grenoble Hubert Dubedout crée à la Villeneuve une antenne municipale, le Centre Audiovisuel (ou CAV). Il y alloue beaucoup de moyens afin de donner aux habitants du quartier le goût de l’image et de l’audiovisuel. À cette époque-là, ils étaient tous câblés dans leurs appartements pour recevoir une émission appelée Vidéogazette produite par et pour les habitants de la Villeneuve. Cette expérience est vraiment dans l’ADN de notre structure qui a été renommée « Maison de l’image » en 2013. C’est-à-dire un ADN d’éducation populaire, d’éducation à l’image, aux médias et à l’information, avec toujours une dimension critique et réflexive qui passe notamment par la fabrique de l’image par les citoyens. Aujourd’hui, la Maison de l’image, ce sont de nombreuses interventions et actions auprès des jeunes, un médialab où tout un chacun peut venir proposer un projet, une télévision participative afin justement de renouer avec notre histoire, des formations professionnelles aux techniques audiovisuelles et photographiques, mais aussi l’organisation chaque année, à l’automne, du festival Le Mois de la photo.
Sans oublier donc les Rendez-vous de l’image qui nous intéressent aujourd’hui et qui auront lieu le 17 avril prochain. Quelle est l’essence de cet événement ?
Noémie Rubat du Mérac – On a créé les Rendez-vous de l’image en 2013 avec cette idée qu’il y avait besoin d’outiller les professionnels (enseignants, éducateurs, animateurs…), mais aussi le grand public (les parents par exemple), afin qu’ils puissent accompagner au mieux les adolescents dans leurs pratiques de l’information. À travers des conférences, tables rondes et ateliers, on s’intéresse à des innovations technologiques ou réglementaires, à des pratiques informationnelles qui évoluent pour prendre un peu de recul et désamorcer les éventuelles paniques morales. L’année dernière, on a ainsi travaillé sur les influenceurs, l’année d’avant sur les IA génératives…
On entend souvent que les jeunes générations s’informent moins, ou moins bien, que les autres. Est-ce une réalité ?
N.R.d.M – Les jeunes s’informent de multiples façons. Ils utilisent plus les réseaux sociaux que les anciennes générations, c’est certain. Mais ça ne veut pas dire qu’ils croient tout ce qu’ils reçoivent. C’est justement une forme de panique morale d’imaginer cela. Tout dépend des catégories socio-professionnelles, du capital culturel, du bagage qu’ils ont, de leur capacité à discuter avec d’autres sur la façon dont ils s’informent. Mais on observe exactement la même chose chez les adultes. Certains se retrouvent totalement submergés par l’information de nos jours, et n’ont pas moins besoin d’être formés que les jeunes.
L.B. – Oui, cela rejoint les travaux de Guénaëlle Gault, directrice de l’Obsoco (L’Observatoire société et consommation), qui sera avec nous lors des Rendez-vous de l’image pour parler de l’infobésité et de l’exode informationnel. Car certaines personnes, face à la profusion d’informations, décident d’arrêter de s’informer puisque cela devient trop anxiogène. En échangeant avec Guénaëlle, on se rend compte que les jeunes, qui sont nés avec les réseaux sociaux, ont l’habitude de voir passer beaucoup de choses et font mieux le tri. Ils semblent finalement beaucoup moins crédules que les adultes qui, eux, auraient plutôt tendance à croire ce qu’ils voient. Les jeunes se débrouillent bien mieux pour décrypter et ce n’est pas toujours facile à admettre pour un adulte.
« Sur les réseaux sociaux, les jeunes
semblent beaucoup moins crédules que
les adultes. »
Cette année, les Rendez-vous de l’image ont pour thématique « Médias et démocratie ». Pourquoi ce choix ?
N.R.d.M. – Après chaque édition, on dresse un bilan avec les partenaires organisateurs à l’appui d’une enquête qui est adressée aux participants. On croise les retours de chacun en lien, aussi, avec l’actualité. Et l’année dernière, le bilan a eu lieu au moment des élections législatives. Or, on a pu observer à ce moment-là comment les réseaux sociaux peuvent être des outils de mobilisation de l’opinion. Les militants de gauche, du Nouveau Front populaire notamment, se sont réellement organisés sur les réseaux, ce qui a conduit certaines personnes qui n’avaient jamais milité à faire du porte-àporte par exemple. C’était donc l’occasion de redonner leur juste place aux réseaux sociaux et de se demander ce qu’ils peuvent réellement par rapport à la politique.
L.B. – Ce qui se joue aujourd’hui, depuis l’élection de Trump, c’est la question d’une démocratie construite autour des outils médiatiques (réseaux sociaux ou autre). Comment on s’informe, est-ce que les médias, qui ont tendance à polariser les débats, permettent vraiment la construction d’une démocratie et l’expression d’une citoyenneté ? Voilà le fond de la question. Face aux postures extrémistes, les gens ne s’y retrouvent plus et certains fuient l’information. On en revient à l’exode informationnel et à ses conséquences. Si l’on fuit l’information, que devient la démocratie ?
Mais les médias sont-ils vraiment si influents ?
L.B. – Depuis les années 70, l’ensemble des sociologues spécialisés postulent le contraire et relativisent l’impact des médias sur la façon de penser des citoyens. Alors c’est très rassurant d’entendre ça, mais on a tendance à se demander s’il ne faudrait pas réactualiser cette pensée par rapport à l’ensemble des médias actuels. Car en 2025, on est beaucoup plus submergés par l’information qu’on ne l’était dans les années 70 ou 80…