Avec sa série « Huit rois (nos présidents) », le metteur en scène et auteur Léo Cohen-Paperman dresse le portrait théâtral de ceux qui ont dirigé la France ces quelque 70 dernières années. Chirac, Sarkozy et Hollande seront à la Rampe d’Échirolles en novembre.
/ Par Aurélien Martinez
Les puissants font de fascinants personnages de théâtre, ce qu’a magnifiquement montré un certain Shakespeare il y a plus de 400 ans. Aujourd’hui, le metteur en scène et auteur Léo Cohen-Paperman ne dit pas autre chose, lui qui s’est lancé dans une série de portraits des présidents de la Ve République française, ces rois modernes. « C’est le vecteur le plus fort que j’ai trouvé pour proposer un théâtre contemporain populaire dans la mesure où ce sont des figures que tout le monde connaît, a détestées, a adorées… Ces présidents français, entre le monarchique et le démocratique, font appel à une histoire commune », nous détaille-t-il avant de présenter à la Rampe d’Échirolles trois portraits – Chirac sur une soirée, Sarkozy et Hollande sur une autre.
Tout est parti il y a quelques années de son envie de faire jouer Jacques Chirac, le président de son enfance, par le comédien Julien Campani. Un choix évident à la vue de La Vie et la mort de J. Chirac, roi des Français, « comédie méta-théâtrale et onirique » créée en 2020, même s’il ne s’agit toutefois pas, pour l’interprète, de livrer un copié-collé de l’original. Le duo a plutôt imaginé une plongée au plus près de l’homme politique en partant de son lien intime avec son chauffeur, dans le but de construire un « théâtre politique mais pas didactique ». Le résultat est passionnant, auscultant les nombreuses facettes d’un homme moins lisse que le « gros nounours » que l’inconscient collectif a retenu, précise Léo Cohen-Paperman.
« Chaque mandat est un spectacle »
Après ce premier coup d’essai acclamé, ont suivi le très politique Génération Mitterrand (trois anciens électeurs de 1981 confient leurs désillusions) et le « vaudeville sous acide » Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing, qui prend pour matière ces temps de rencontre atypiques que VGE avait mis en place dans les années 1970. Des approches théâtrales très différentes, car à chaque président son genre, son esthétique, puisque « chaque mandat est en soi un spectacle ». Macron sera ainsi abordé l’an prochain en mode science-fiction (le public le retrouvera en 2058, « quelques années après la disparition de la France »), et le dernier volet croisera De Gaulle, sous forme d’opéra, et Pompidou, en « fiction documentaire filmée en direct ».
Quant au quatrième volet baptisé SarkHollande, qui lie donc Sarkozy et Hollande, il vient tout juste d’être créé (nous ne l’avons pas encore vu) et convoque le stand-up (pour Sarkozy), puis le clown (pour Hollande). Un regroupement qui a du sens pour Léo Cohen-Paperman. « Ce sont deux présidents qui affirment être les inverses alors qu’ils se complètent plus qu’ils ne le croient. » Avec, au cœur du spectacle, « la question identitaire : qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ? » Un enjeu prolongé par un personnage de fiction, comme l’auteur-metteur en scène le fait à chaque fois dans ses épisodes, afin de « brosser grâce à ces gens le portrait de moments de la société ». Et, en creux, de la France.
Photo © Simon Loiseau