Vu le climat ambiant, entre canicules et menace nucléaire, savoir où planquer sa tribu devient un vrai atout. Bonne nouvelle : avec 8000 cavités recensées, l’Isère a de quoi rassurer. Pour savoir si la vie troglodytique pouvait nous convenir, on a emmené la famille sous terre, version spéléo.
/ Par Jérémy Tronc
Tout proche de Grenoble, un sommet est particulièrement convoité par les spéléologues du monde entier : la Dent de Crolles. Ses quelque 70 kilomètres de galeries, sculptées par l’eau au fil des millénaires, autorisent toutes les fantaisies souterraines : marche dans de vastes halls, traversées horizontales, verticales, ramping, longs rappels, exploration de deux heures ou de plusieurs jours… Un labyrinthe exceptionnel pour les spécialistes mais aussi pour les familles curieuses de vivre une expérience forte et originale.
Pour s’y frotter, nous avons appelé Cyrille Mathon. Guide passionné, la Dent de Crolles est son terrain de jeu privilégié. Alors quand on lui dit que l’on recherche une sortie familiale, il y a du répondant. « La Dent de Crolles propose plein d’options pour les familles, dès 6 ans, de la simple marche dans une grotte immense à des parcours plus techniques, avec ou sans corde. Par exemple, on peut aller jusqu’à la salle des Douches par le trou du Glaz. Cette exploration de 3 à 4 h propose des passages techniques mais jamais trop durs et un final spectaculaire. »
En général, les sorties débutent sous le col du Coq, avec une montée dans l’alpage des Ayes d’1 h à 1 h 30, avec tout le barda des spéléologues : casque et frontale, combinaison, baudrier et cordes selon la sortie. On comprend alors qu’on part pour une vraie immersion. Pour des explorations familiales, trois entrées principales sont identifiées : le trou du Glaz, dans la face ouest de la Dent, la grotte Annette et la grotte Chevalier à l’est.
Halte aux clichés
Une sortie débute par un temps d’équipement et de consignes. Puis c’est le moment d’explorer. Et on s’aperçoit très vite que les galeries ne sont pas aussi oppressantes qu’on l’imaginait. « Il y a plein de peurs et de clichés liés à la spéléo, explique Cyrille. Mais la plupart du temps, on progresse debout, et les volumes sont bien plus grands qu’on ne l’imagine. » La grotte Chevalier, par exemple, déroule 800 mètres de progression dans une salle aux allures presque cathédralesques. C’est la plus accessible malgré son entrée plutôt étroite.
Dans le trou du Glaz ou la grotte Annette, les passages se font plus techniques : on rampe, on se contorsionne, on se glisse entre les dalles inclinées. À ce jeu, les enfants sont plus habiles et véloces que les adultes. Les étroitures, forcément redoutées, se franchissent plus sereinement avec le guide qui ouvre la voie.
Au fil des pas et des passages aux noms insolites – puits de la Gnôle, passage de l’Escargot, salle des Douches –, on découvre un monde minéral fascinant. Les lampes dévoilent concrétions, stalactites, cascades souterraines et parois sculptées, comme dans les grottes touristiques mais avec le frisson de l’exploration. Moment fort de la sortie : l’extinction volontaire des lampes. Le noir est total, l’ouïe en alerte, l’imaginaire en roue libre, inquiétant ou apaisant selon les sensibilités.
Quand on ressort après plusieurs heures sous terre, le contraste est saisissant. On a l’impression d’avoir voyagé très loin. L’expérience physique, mentale et sensorielle réveille le goût de l’aventure chez petits et grands et donne envie de replonger.
ATTENTION : le milieu souterrain est un milieu à risque nécessitant un matériel spécifique. L’exploration des grottes, dont celles citées dans l’article, doit être entreprise accompagné par un guide spécialisé.
Photo © Cyrille Mathon